Johan Creten, artiste contemporain surnommé le Gitan d'argile, a un pied dans la terre et un autre dans l'or. Ses œuvres jouent avec l'or, entre décoration kitsch et subversion.
Un univers de formes
Johan Creten (1963) est un artiste belge contemporain inclassable. Diplômé, entre autres, de l'Académie royale des Beaux-Arts de Gand, il découvre les possibilités de la terre dans les années 1980. Peintre de formation, Johan Creten a trouvé un réel potentiel dans cette technique et dans cette matière (grès et porcelaine). Il l'a choisie comme nouveau medium et a contribué à son renouveau. Il est d'ailleurs souvent surnommé « The Clay Gipsy ».
A l'époque, ce matériau est tabou dans le monde de l’art : jugé sale, humide, ringard, populaire (comme la paille et la vannerie qu'il utilise parfois)... De plus, J. Creten est également perçu « comme un usurpateur qui transgresse les interdits religieux en prenant la place de Dieu ». La terre symbolisant aussi la « Terre-Mère », et encore la terre magique, modelée par Dieu pour créer Adam. Elle lie le sacré au profane... Ainsi, on ne sera pas étonné de voir l'intérêt qu'il porte à l'or, son autre matière de prédilection (avec le bronze).
Son univers est fait de masses organiques entremêlées, en hybridation, entre le figuratif et l'abstrait :
l'humain (notamment le corps féminin, vulves et femmes-fleurs)
le végétal (amas de fleurs, de pétales, fruits du palmier dattier)
l'animal (coqs, écureuils, aigles, vautours, chauve-souris)
et en particulier le monde marin (entrelacs d'algues, moules, huîtres perlières, oursins, poissons, pieuvres…)
Ces sujets varient entre relectures mythologiques antiques (Cheval de Troie, Gorgone, Adam... ), réalisation de cruches zoomorphiques, animaux gigantesques et un certain nombre d’objets indéterminés (presque en métamorphose sous nos yeux).
Johan Creten aime jouer avec les clichés (et les détourner) en se positionnant sur la limite où l’art peut basculer dans le kitsch décoratif.
Mais ce qui caractérise également son art, c'est cet équilibre entre la beauté, le décoratif, la préciosité et l'utilitaire. Car ces œuvres ont toutes de fortes résonances subversives, existentielles, politiques, écologiques et économiques.
L'or de Creten
L'or, quand il n’apparaît pas sous la forme cachée de "nombre d'or", est récurrent chez cet artiste. Généralement utilisé de manière brillante, luisante.
Il joue de son aspect clinquant-bling-bling, mais également de sa connotation sacrée, pour soit :
accentuer le côté kitsch de ses œuvres
entretenir un rapport à l'Histoire et à l'histoire de l'art (la sculpture, l'époque baroque, le grotesque... et l'Origine du Monde)
jouer avec la lumière et les éclairages (aspect auquel il prête une forte attention lors des expositions)
apporter une préciosité de bijou, une fragilité (avec la polysémie qu'il pratique toujours) en opposition à la robustesse
ajouter une couche de sens (au propre comme au figuré) positive ou critique (notions de vanité, de religieux, de beauté naturelle magnifiée, de mythologie, de mystique...)
sublimer par la magie (les œuvres de Creten appellent souvent le toucher, telles les statues de saints...) et créer ainsi de nouvelles divinités propre au monde contemporain.
[Les photos des œuvres de Johan Creten sont également sur Pinterest].
Comments